J.O. 295 du 19 décembre 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2004-965 du 18 novembre 2004 se prononçant sur une demande de mesures conservatoires déposée par la société Intercom Caraïbes dans le cadre du différend l'opposant à Orange Caraïbe


NOR : ARTT0400058S



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juin 1999, portant règlement intérieur ;

Vu la décision no 2003-1083 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 2 octobre 2003, portant modification de la décision susvisée ;

Vu l'arrêté du 14 juin 1996 modifié portant autorisation d'établissement d'un réseau radioélectrique ouvert au public aux Antilles en vue de l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM DOM2 ;

Vu la décision no 2003-907 du 24 juillet 2003 établissant pour l'année 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;

Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée le 6 octobre 2004, présentée par la société Intercom Caraïbes, RCS de Pointe-à-Pitre no 449 540 822, dont le siège social est situé 32, ZAC de Houelbourg Sud, ZI de Jarry, 97122 Baie-Mahault, représentée par Me Céline Mayet, 10, rue de Nozières, 97110 Pointe-à-Pitre ;

Intercom Caraïbes reproche à Orange Caraïbe la rupture unilatérale des contrats SMS Partner conclus avec cette dernière.

Intercom Caraïbes demande à l'Autorité de :

« Dire et juger tant recevable que bien fondée la demande de la SARL Intercom Caraïbes ;

et en conséquence :

Dire et juger que la rupture des contrats SMS Partner « Interactive » no 97123 et « Mailing » no 93111 est abusive.

Dire et juger que la SARL Intercom Caraïbes subit un préjudice important du fait de la résiliation illégale des contrats SMS Partner.

Dire et juger que l'urgence justifie le rétablissement des contrats SMS Partner. »

Vu la demande de mesures conservatoires, formée accessoirement à la demande principale enregistrée le 6 octobre 2004, présentée par la société Intercom Caraïbes, RCS de Pointe-à-Pitre no 449 540 822, dont le siège social est situé 32, ZAC de Houelbourg Sud, ZI de Jarry, 97122 Baie-Mahault, représentée par Me Céline Mayet, 10, rue de Nozières, 97110 Pointe-à-Pitre ;

La société Intercom Caraïbes demande à l'Autorité au titre des mesures conservatoires :

« D'ordonner le rétablissement des contrats SMS Partner "Interactive no 97123 et "Mailing no 93111, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

En tout état de cause de :

- condamner la société Orange Caraïbe à payer à la société Intercom Caraïbes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- condamner la société Orange Caraïbe aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Céline Mayet. »




I. - Rappel des faits


La société Intercom Caraïbes indique qu'elle a été créée le 29 juillet 2003 afin de fournir la communication interactive basée sur l'envoi et la réception de SMS.

La société Intercom Caraïbes souligne qu'elle a conclu, le 26 mars 2004, deux contrats SMS Partner avec la société Orange Caraïbe. Elle indique ainsi qu'en vertu desdits contrats, la société Orange Caraïbe, l'opérateur, s'était engagée à fournir à la société Intercom Caraïbes, l'éditeur de service, deux numéros « courts », le 93111 et, à compter du 22 avril 2004, le numéro 97123 permettant d'émettre et de recevoir des messages SMS dans un but professionnel.

Intercom Caraïbes indique que le numéro 93111 est un service d'offre « Mailing » permettant d'effectuer des envois SMS en grande quantité sur des abonnés au réseau d'Orange Caraïbe. En outre, elle indique également que le numéro 97123 est un service d'offre « interactive » permettant de créer des jeux, du vote, etc.

Intercom Caraïbes souligne que ces services lui permettent de profiter des tarifs spéciaux sur l'envoi des SMS et d'enrichir son activité, notamment par l'organisation de jeux interactifs. Intercom Caraïbes rappelle que les messages SMS sont destinés à des utilisateurs du parc d'Orange Caraïbe.

Intercom Caraïbes précise que ces deux contrats prévoient la fourniture par Orange Caraïbe des prestations suivantes :

- l'offre « Mailing » qui permet l'envoi par Intercom Caraïbes de messages SMS-MT sur le parc des clients d'Orange Caraïbe, dont l'objet unique est la diffusion en grande quantité de messages de prospection directe et/ou d'informations ;

- l'offre « Interactive » qui permet à un utilisateur d'envoyer un message SMS-MO au numéro court 97123 du service SMS Partner et de recevoir en retour un ou plusieurs messages SMS-MT d'Intercom Caraïbes.

La société Intercom Caraïbes précise que la société Orange Caraïbe est prestataire de services télématiques, au bénéfice de la société Intercom Caraïbes, l'éditeur de service. En outre, elle rappelle que les contrats de prestation de services télématiques, conclus entre la société Intercom Caraïbes et ses clients, ont été préalablement communiqués à Orange Caraïbe et respectent les règles déontologiques et contractuelles prévues entre les parties.

La société Intercom Caraïbes indique que le 28 juillet 2004, Orange Caraïbe a résilié les deux contrats SMS Partner, sans respecter le préavis contractuel et sans motif valable.

Dans ces conditions, la société Intercom Caraïbes demande à l'Autorité de dire et juger abusive la rupture unilatérale des deux contrats SMS Partner, et, à titre conservatoire, d'ordonner à Orange Caraïbe d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux télématiques conventionnellement établis.


II. - Sur la demande, à titre conservatoire, du rétablissement des contrats SMS Partner


La société Intercom Caraïbes indique que la société Orange Caraïbe est la seule entreprise susceptible d'offrir des prestations fournies à la société Intercom Caraïbes dans le cadre des contrats SMS Partner sur le marché du département de la Guadeloupe.

Elle considère que la coupure brutale et abusive de l'accès au réseau de communication par SMS, opérée par Orange Caraïbe, constitue une atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des communications électroniques.

Dans ces conditions, la société Intercom Caraïbes souligne que ses clients et les utilisateurs finaux ne peuvent accéder à ses services de messagerie électronique. Intercom Caraïbes indique qu'elle n'a pas d'autre solution d'accès aux services auxquels ses clients ont souscrit.

La société Intercom Caraïbes estime qu'Orange Caraïbe a abusé de sa position dominante sur le secteur des communications électroniques. Elle soutient qu'Orange Caraïbe a arbitrairement coupé l'accès des connexions établies avec Intercom Caraïbes au profit d'une entreprise concurrente, indirectement détenue par le [...] d'Orange Caraïbe.

La société Intercom Caraïbes précise que le rétablissement, à titre conservatoire, des contrats SMS Partner permettrait d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux SMS établi avec ses clients et les utilisateurs finaux sans les contraindre à changer de fournisseurs. Elle souligne qu'il est impératif que les liaisons rompues depuis le 28 juillet 2004 soient rétablies rapidement afin qu'elle puisse répondre à la demande de ses clients.

La société Intercom Caraïbes estime que cette situation porte une atteinte grave à son image et qu'elle subit une perte de clientèle au profit de ses concurrents.

Elle considère donc qu'elle est confrontée à un péril grave et imminent.



Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 12 octobre 2004, communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires ;

Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 19 octobre 2004, adressant un questionnaire aux parties et fixant au 2 novembre 2004 la date de clôture de remise des réponses ;

Vu les réponses d'Orange Caraïbe au questionnaire du rapporteur, enregistrées le 2 novembre 2004 ;

Vu les réponses d'Intercom Caraïbes au questionnaire du rapporteur, enregistrées le 2 novembre 2004 ;

Vu les observations en défense enregistrées le 5 novembre 2004, présentées par la société Orange Caraïbe, RCS Nanterre no B 379 984 891, dont le siège social est situé 41-45, boulevard Romain-Rolland, 75672 Paris Cedex 14, représentée par M. Frédéric Dorne, directeur, assisté de Me Jean-Louis Lesquin, cabinet DS Avocats, situé 46, rue de Bassano, 75008 Paris.


I. - Rappel des faits


[...].

La société Orange Caraïbe souhaite présenter le service SMS Partner et le contrat signé par la société Intercom Caraïbes.

La société Orange Caraïbe indique qu'elle a lancé début 2004 une offre SMS Partner destinée aux :

- entreprises désirant communiquer par SMS avec leurs clients ;

- médias souhaitant mettre en place des services interactifs ;

- éditeurs de services souhaitant proposer des services par SMS.

Elle précise que le service SMS Partner est notamment constitué de deux offres :

- l'offre « Mailing » concerne uniquement l'envoi de SMS de l'éditeur vers les utilisateurs, abonnés d'Orange en mode opt-in ;

- l'offre « Interactive » concerne des services à valeur ajoutée impliquant la génération d'un trafic des portables des abonnés vers l'éditeur (SMS-MO) et d'un trafic retour de l'éditeur vers les abonnés (SMS-MT).

La société Orange Caraïbe souligne qu'à chaque service SMS Partner associé à l'une de ces offres, est alloué un numéro court à 5 chiffres correspondant à un palier tarifaire.

La société Orange Caraïbe rappelle qu'elle a signé un contrat le 26 mars 2004 avec la société Intercom Caraïbes comportant des conditions générales, des conditions spécifiques et des conditions particulières afférentes aux deux offres. Orange Caraïbe indique que deux numéros courts ont été attribués à la société Intercom Caraïbes : le 93111 pour l'offre « Mailing » et le 97123 pour l'offre « Interactive ».

La société Orange Caraïbe précise qu'en tant qu'éditeur de services, la société Intercom Caraïbes pouvait, via le réseau d'Orange Caraïbe, adresser aux personnes qui l'avaient préalablement accepté, des messages courts à caractère promotionnel ou commercial ou des messages permettant la participation à des activités interactives dont l'insertion est sollicitée par des annonceurs clients de l'éditeur.


II. - Discussion


Orange Caraïbe estime que l'Autorité ne peut, selon les dispositions de l'article L. 36-8-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), accueillir favorablement une demande de mesures conservatoires accessoire à une demande principale manifestement irrecevable.


A. - Sur l'irrecevabilité de la demande d'Intercom Caraïbes

Sur la qualité de fournisseur de services

de communications électroniques


La société Orange Caraïbe précise qu'Intercom Caraïbes est un éditeur de services, au sens de l'article L. 32-(6°) du CPCE, qui ne dispose donc pas de la qualité de fournisseur de services de communications électroniques.

S'agissant du contrat SMS Partner, la société Orange Caraïbe indique qu'il s'agit d'un contrat conclu avec un éditeur de services et que les prestations qu'Orange Caraïbe a fournies dans le cadre de ce contrat ne répondent pas à la définition de prestations de liaisons louées.

La société Orange Caraïbe rappelle que ce contrat n'est pas un contrat de mise à disposition de capacité de transmission, mais permet à un éditeur de services de se voir affecter un numéro du plan privé d'Orange, d'être identifié par les utilisateurs, d'adresser des SMS dans certaines conditions à un certain nombre d'utilisateurs différents.

La société Orange Caraïbe rappelle qu'elle assure les fonctions d'acheminement et de routage des données sans intervention de la société Intercom Caraïbes. Elle précise que les conditions tarifaires relatives au contrat de SMS Partner reposent sur un principe de tarification en fonction d'un volume de SMS échangés et non en fonction d'une capacité de transmission de données. Orange Caraïbe souligne que ce contrat permet à son souscripteur de bénéficier de reversements basés sur le nombre de SMS envoyés vers ou par les utilisateurs.

Elle estime que la société Intercom Caraïbes ne saurait valablement prétendre que les relations avec Orange Caraïbe relèvent de liaisons louées.

Dans ces conditions, la société Orange Caraïbe demande à l'Autorité de se déclarer incompétente pour examiner la demande d'Intercom Caraïbes dès lors que l'objet du litige met en cause les relations entre un opérateur exploitant un réseau de communications électroniques et un éditeur de services proposant des contenus aux utilisateurs de ce réseau.


Sur l'exécution du contrat SMS Partner


La société Orange Caraïbe estime que les modalités techniques et financières du raccordement d'Intercom Caraïbes ne sont pas l'objet du désaccord entre les deux sociétés. Elle rappelle qu'en vertu de l'article L. 36-8 du CPCE, seul un litige relatif à l'exécution des conditions techniques et financières d'un accord d'accès au réseau peut donner lieu à une demande de règlement de différend.



La société Orange Caraïbe rappelle que le désaccord porte sur les dispositions contractuelles de nature déontologique figurant dans le contrat SMS Partner ainsi qu'à son annexe 1 intitulée « Recommandations déontologiques relatives aux services par SMS ». Elle indique que ces recommandations déontologiques, qui font partie intégrante du contrat SMS Partner, reprennent les recommandations édictées par le Conseil supérieur de la télématique en matière de services SMS.

La société Orange Caraïbe considère que les dispositions contractuelles en cause relèvent de l'article D. 406-1-2 du CPCE ou du juge judiciaire, mais non pas de l'article L. 36-8 du CPCE.


Sur l'inexécution d'Intercom Caraïbes de ses obligations contractuelles

Les obligations de la société Intercom Caraïbes au titre du contrat SMS Partner


La société Orange Caraïbe souligne que la société Intercom Caraïbes, au titre du courant SMS Partner, s'était engagée à respecter un certain nombre d'obligations déontologiques énumérées dans les conditions générales du contrat SMS Partner (art. 5.3 et annexe 1 portant recommandations déontologiques). Elle indique que parmi ces règles figurent certaines obligations de loyauté, notamment vis-à-vis des utilisateurs.

La société Orange Caraïbe précise que vis-à-vis des éditeurs de services concurrents, Intercom Caraïbes s'est interdit toute pratique de nature à induire une confusion, même potentielle, avec eux ou leurs services.


La violation par Intercom Caraïbes de ses obligations contractuelles de nature déontologique


La société Orange Caraïbe indique que la société Intercom Caraïbes n'a pas respecté son engagement de ne pratiquer aucune confusion entre elle-même et/ou son service et Orange Caraïbe et/ou les services de cette dernière. La société Orange Caraïbe souligne que dans un document commercial, Intercom Caraïbes se présente comme « partenaire d'Orange Caraïbe avec le service SMS Partner » alors que ce contrat ne lui confère pas le droit d'associer Orange Caraïbe à sa communication. En outre, elle indique que les concurrents de la société Intercom Caraïbes se sont plaints de ses pratiques déloyales.

La société Orange Caraïbe rappelle qu'elle a mis en demeure Intercom Caraïbes le 9 juin 2004.

Elle estime que la société Intercom Caraïbes n'a pas non plus respecté son obligation de mettre les clients le souhaitant en mesure d'interrompre l'émission de messages dans leur direction.

Elle a rappelé cette condition à la société Intercom Caraïbes le 9 et le 10 juin 2004 en précisant que la mention de la disponibilité des mots clés « contact » et « stop » constitue une condition sine qua non du respect des obligations déontologiques.

Le 20 juillet 2004, la société Orange Caraïbe rappelait à Intercom Caraïbes que la diffusion de SMS-MT de façon aléatoire constitue une violation du contrat SMS Partner pouvant entraîner sa suspension ou sa résiliation. Plusieurs personnes ayant été démarchées, la société Orange Caraïbe a demandé à Intercom Caraïbes de lui fournir les autorisations préalables et expresses de certains clients sous peine de résiliation du contrat SMS Partner. La société Orange Caraïbe indique que, le 26 juillet 2004, Intercom Caraïbes communiquait certaines pièces valant autorisation mais n'étant pas signées ni datées.

Dans ces conditions, elle considère que ces fiches ont été établies postérieurement à la mise en demeure et ne peuvent donc exprimer véritablement le consentement des personnes concernées.

La société Orange Caraïbe estime qu'Intercom Caraïbes est manifestement dans l'impossibilité de produire ces autorisations.


La résiliation par Orange Caraïbe du contrat SMS Partner


La société Orange Caraïbe souligne que, compte tenu des violations répétées de la société Intercom Caraïbes à ses obligations contractuelles de nature déontologique et des rappels et mises en demeure infructueux, elle a dû procéder à la résiliation du contrat SMS Partner d'Intercom Caraïbes le 28 juillet 2004 ainsi qu'à l'interruption des services des numéros courts 93111 et 97123.

La société Orange Caraïbe estime que la rupture de ses relations avec Intercom Caraïbes n'est que la conséquence prévisible de la réitération par Intercom Caraïbes de comportements contraires à ses obligations contractuelles de nature déontologique visées par ses engagements contractuels.


B. - A titre subsidiaire : les conditions du prononcé de mesures conservatoires

ne sont pas réunies


La société Orange Caraïbe rappelle que le prononcé de mesures conservatoires est encadré par l'article L. 36-8-1, alinéa 3, du CPCE, et notamment par trois conditions cumulatives : la continuité du fonctionnement du réseau, des faits constituant une atteinte grave et immédiate, être accessoire au fond.

Sur la première condition, la société Orange Caraïbe considère que la continuité du fonctionnement du réseau n'est pas en cause dans le cadre du présent litige. En effet, elle estime que la suspension de la fourniture du service à Intercom Caraïbes en sa qualité d'éditeur de services n'affecte pas la continuité d'un quelconque réseau. Orange Caraïbe rappelle que la société Intercom Caraïbes n'exploite pas de réseau et que les installations de transport ou de diffusion sont des installations ou moyens propres au réseau de la société Orange Caraïbe.

Sur la deuxième condition, la société Orange Caraïbe précise que la société Intercom Caraïbes n'apporte pas d'éléments démontrant l'atteinte aux règles régissant le secteur des communications électroniques.

La société Orange Caraïbes indique que la résiliation ne peut être considérée comme un manquement aux obligations mises à sa charge au titre de la réglementation applicable dans le secteur des communications électroniques au sens de l'article L. 36-8 I du CPCE. Elle rappelle que ne sont pas concernés dans cette affaire les faits mettant en cause les conditions techniques ou financières des prestations d'accès au réseau d'Orange Caraïbe, mais des faits relevant de la gestion du contrat SMS Partner et de la mise en cause de son exécution par Intercom Caraïbes au regard des règles de nature déontologique applicables.



Elle précise également que la gravité et l'immédiateté d'une éventuelle atteinte aux règles du secteur des communications électroniques ne sont pas démontrées.

En conséquence, la société Orange Caraïbe soutient que les conditions relatives au prononcé de mesures conservatoires n'étant pas réunies, l'Autorité ne pourra que rejeter la demande de mesures conservatoires d'Intercom Caraïbes.

Enfin, la société Orange Caraïbe indique que si l'Autorité devait se prononcer sur cette demande, sa décision pourrait être considérée comme préjugeant de la solution au fond du litige dans la mesure où le rétablissement du contrat SMS Partner signifierait que l'ART reconnaît, avant tout débat au fond, que la société Orange Caraïbe a rompu à tort ses relations contractuelles avec Intercom Caraïbes. Dans ces conditions, elle estime qu'il pourrait alors être porté atteinte au principe d'impartialité objective énoncé à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, la société Orange Caraïbe demande à l'Autorité de rejeter la demande de mesures conservatoires de la société Intercom Caraïbes.

Vu le courrier du chef du service juridique de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 8 novembre 2004, adressé aux parties les convoquant à une audience devant le collège le 16 novembre 2004 ;

Vu le courrier de la société Orange Caraïbe enregistré le 10 novembre 2004, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société Intercom Caraïbes enregistré le 12 novembre 2004, souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;

Après avoir entendu le 16 novembre 2004, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Rémi Perthuisot, rapporteur, présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de Me Michel Matas, cabinet Norton Rose, représentant la société Intercom Caraïbes ;

- les observations de M. Philippe Kalifa et de Mlle Virginie Nunes, pour la société Orange Caraïbe, et de Me Audrey Sandrini, pour le cabinet DS Avocats.

En présence de :

MM. Philippe Kalifa, Mlle Virginie Nunes, pour la société Orange Caraïbe, et de Me Audrey Sandrini, pour le cabinet DS Avocats ;

Me Michel Matas, cabinet Norton Rose, représentant la société Intercom Caraïbes ;

MM. Philippe Distler, directeur général, Rémi Perthuisot, Loïc Taillanter, Sébastien Soriano, Bernard Messias et de Mlle Christine Galliard, agents de l'Autorité.


Sur la publicité de l'audience


Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère ».

La société Orange Caraïbe, par un courrier enregistré le 10 novembre 2004, a demandé que l'audience devant le collège se déroule à huis clos ; la société Intercom Caraïbes, par un courrier enregistré le 12 novembre 2004, a demandé que l'audience devant le collège soit publique. Interrogée sur ce point par le président de l'Autorité avant l'ouverture des débats de la présente audience, la société Orange Caraïbe a fait valoir qu'elle entendait se désister de sa demande de huis clos. Le président lui en a donné acte. En conséquence de quoi, l'audience a été publique.

Le quorum requis étant réuni, le collège a délibéré le 18 novembre 2004, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité.

Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :


Sur le cadre juridique applicable aux mesures conservatoires


En vertu de l'article L. 36-8 I du code des postes et télécommunications, l'Autorité peut être saisie d'un différend entre deux parties « en cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communication électroniques », cet article ajoutant « en cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications, l'Autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner des mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux ».

L'article R. 11-1, alinéa 4, du code précise que « une demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond de l'Autorité de régulation des télécommunications. Elle peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée. »

Il résulte, en premier lieu, de ces dispositions que l'Autorité ne peut ordonner une demande de mesures conservatoires qu'autant qu'elle est saisie d'une demande de règlement de différend qui réponde aux conditions de recevabilité fixées à l'article L. 36-8 précité et que cette demande de mesures conservatoires est suffisamment motivée.

En second lieu, des mesures conservatoires ne peuvent être décidées que, d'une part, lorsque les faits soumis à l'Autorité sont suffisamment caractérisés pour être tenus comme la cause directe et certaine de l'atteinte relevée aux règles régissant le secteur des télécommunications et que l'atteinte précitée présente un caractère de gravité, notamment au regard de l'importance de la règle concernée ou des conséquences préjudiciables que sa violation entraîne pour les opérateurs concernés, pour l'accès de leurs clients à des services de télécommunication d'autres opérateurs ou pour leur possibilité de communiquer librement avec d'autres utilisateurs. Il faut, d'autre part, que ladite atteinte revête un certain degré d'immédiateté, et donc d'urgence.



Enfin, les mesures adoptées à titre conservatoire doivent être strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence et à la préservation des intérêts de la partie demanderesse, sans affecter de manière excessive les prérogatives de la partie en cause.


Sur la compétence de l'Autorité


Aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques :

« I. - En cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l'Autorité peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties.

L'Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations et, le cas échéant, procédé à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de l'instruction du litige dans les conditions prévues par le présent code. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés. (...)

« En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications, l'Autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnnement des réseaux. Ces mesures doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence. »

Aux termes de l'article 133 de la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelles : « les obligations qui étaient imposées aux opérateurs, à la date de publication de la présente loi, en application des articles L. 33-1 (II) et L. 34-8 (II à V) du code des postes et télécommunications dans leur rédaction alors en vigueur, restent applicables jusqu'à la mise en oeuvre par l'Autorité de régulation des télécommunications des compétences que lui confèrent les dispositions des articles L. 37-1 et L. 37-2 du code des postes et des communications électroniques issues de la présente loi ».


Sur la qualification juridique du contrat SMS Partner passé entre Orange Caraïbe

et Intercom Caraïbes et du différend soumis à l'Autorité


Il résulte de l'instruction que la société Intercom Caraïbes doit être regardée comme un fournisseur ou un utilisateur de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public.

L'Autorité relève que la société Orange Caraïbe, par la décision no 03-907 de l'Autorité du 24 juillet 2003 établissant pour l'année 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications, a été désignée comme exerçant une influence significative sur le marché pertinent du service de téléphonie mobile au public.

Dans ces conditions, en application de l'article 133 de la loi du 9 juillet 2004 susmentionnée, Orange Caraïbe est tenue d'assurer, dans des conditions objectives, non discriminatoires et transparentes, un accès à son réseau, aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public.

Ainsi, le contrat SMS Partner conclu le 26 mars 2004 entre la société Intercom Caraïbes et la société Orange Caraïbe doit être regardé comme constituant notamment une convention d'accès à un réseau de communication électronique.

Toutefois, le litige qui oppose Intercom Caraïbes et Orange Caraïbe concernant l'exécution de cette convention d'accès ne porte pas sur les conditions d'ordre technique et financier dans lesquelles l'accès doit être assuré au sens des dispositions de l'article L. 36-8 précité, mais sur le respect de clauses éditoriales figurant à l'article 5.3 des conditions générales du contrat SMS Partner, notamment l'interdiction d'envoyer des messages non sollicités.

Ainsi, le différend qui oppose Intercom Caraïbes et Orange Caraïbe, eu égard à son objet, n'entre pas, en l'espèce, dans le champ d'application de l'article L. 36-8 précité,

Décide :


Article 1


La demande de mesures conservatoires présentées par la société Intercom Caraïbes est rejetée comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître.

Article 2


Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Intercom Caraïbes et Orange Caraïbe la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.


Fait à Paris, le 18 novembre 2004.


Le président,

P. Champsaur


(...) Passages relevant des secrets protégés par la loi.